Genève, cité horlogère

Ce jeudi, comme c’est souvent le cas en novembre, il pleut à Genève. Mais pas une pluie hostile qui tombe en abondance et mine le moral. Non. Plutôt une pluie douce et fine qui annonce simplement les premiers frimas de l’hiver. Vous ne vous êtes pas posée longtemps la question et avez garé votre berline au parking du Mont Blanc. Vous attrapez dans le coffre votre parapluie et griffonnez maladroitement le numéro de votre place sur les petits papiers laissés en libre-service dans les allées afin de vous rappeler de son emplacement. « Celui qui a inventé ça a dû chercher sa voiture longtemps ! ». Cette seule pensée vous arrache un sourire. Vous empruntez les escalators et vous voici en un rien de temps sur la fameuse place du Molard.

Bien à l’abri dans un café, vous faite le point sur votre mission du jour : trouver un cadeau pour l’anniversaire de votre père qui s’avance, serein et confiant, vers ses 70 printemps. Des mois que vous y réfléchissez : vous avez vraiment envie de marquer le coup avec quelque chose de très personnel et d’élégant. Quelque chose qui traverse les âges. Quelque chose d’intemporel.

Fraichement installée dans la région, on n’a cessé de vous vanter la Suisse pour son savoir-faire en matière de joaillerie et d’horlogerie. C’est donc l’occasion idéale de se mettre en quête du parfait trésor. Vous réglez votre latte noisette et vous quittez l’établissement en bifurquant sur votre droite. Vous voici désormais dans la rue qui devrait combler tous vos espoirs. L’une des rues les plus fréquentées de la ville : la rue du Rhône.

Ici, les plus belles enseignes se partagent les mètres carrés disponibles et rivalisent de créativité pour mettre en valeur des vitrines dont la mise en scène laisse rêveurs de nombreux passants. D’autres plus téméraires poussent la porte pour entrer. Sur les promontoires de velours, c’est un festival d’œuvres subtiles et originales, de raffinement et parfois d’indécence dont la seule limite a été l’imagination du créateur. Des bijoux mêlant tous les ors et les plus belles pierres chinées de par le monde, pour parer des mains et des ports de tête en quête d’un peu de lumière. Vous en convenez sans détours : pour qui a le goût de la joaillerie et des belles pièces, la place genevoise est un Éden.

Vous déambulez d’une boutique à l’autre, les yeux emprunts de mille étoiles, simple reflet des collections que vous croisez. Ils sont tous là : Piaget, Bucherer, Van Cleef & Arpels mais aussi Tiffany, Graff ou encore Cartier. Boucheron, Chopard… Décidemment, on ne vous avait pas menti. Pourtant, au milieu de ces Champs Élysées de la bijouterie, vous ne trouvez pas votre bonheur.

Il est vrai que pour votre papa, vous aviez plutôt pensé à une montre. Ici encore, vous le savez : Genève s’illustre par sa renommée internationale en la matière. Cela lui a d’ailleurs valu le surnom de « cité horlogère ». Les origines de ce savoir-faire en matière d’horlogerie de prestige remontent au milieu du seizième siècle. C’est d’ailleurs votre père qui vous l’a enseigné : dans cette grande période d’austérité, on raconte que le port des bijoux avait été purement et simplement interdit. Les joailliers de la ville durent alors ruser et décidèrent d’incruster leurs pierres et matériaux précieux dans… les montres ! C’est ainsi qu’est née dans la cité de Calvin la grande horlogerie de luxe.

Des siècles plus tard, le monde entier s’accorde encore à dire que la ville est experte en la matière et passionnées et médias se pressent d’ailleurs chaque année au plus grand salon horloger du monde : le Watches and Wonders (anciennement SIHH, Salon International de la Haute Horlogerie). Si la pandémie a contraint à deux éditions entièrement digitales, c’est bien en présentiel que s’est déroulé le salon 2022 pour le plus grand bonheur des acteurs de l’industrie : marques de renom mais aussi indépendants.

La rue du Rhône une fois encore tient sa promesse et regorge d’enseignes prestigieuses en la matière : Jaeger-LeCoultre, Breguet, Omega, Richard Mille ou encore Patek Philippe. Ici, la tradition tend la main à l’innovation, ou bien l’inverse. Ce curieux mélange de savoir-faire et de technologie permet de conjuguer le passé au présent.

Mais là encore, vous hésitez. Si merveilleuses et prestigieuses ces montres soient-elles, elles n’incarnent pas encore tout à fait ce que vous aviez en tête pour votre papa. Vous êtes à la recherche de quelque chose de décalé, de différent. Petit à petit, vous commencez à rebrousser chemin. Et puis soudainement un nom vous revient : Laurent Ferrier ! Un horloger dont vous avez lu le surprenant portrait dans T, le nouveau magazine du Temps. Son histoire passionnante vous avait inspirée. Vous récupérez votre voiture direction Plans-Les-Ouates pour vous rendre à son atelier. Ici, loin des strass et des paillettes de la rue du Rhône, vous tombez nez-à-nez avec le modeste portail du 150 de la route de Saint Julien. C’est Christian Ferrier, le fils de Laurent qui vient vous accueillir en personne. Il faut dire que vous aviez pris la peine de prévenir de votre arrivée. Christian écoute patiemment vos critères de recherche, non sans réprimer un sourire. Vous souriez timidement vous aussi, sans comprendre. « Je sais exactement ce que nous allons offrir à votre papa, dit-il. Je reviens. » Christian s’absente quelques minutes avant de revenir, une montre à la main. « Ceci est un secret », murmure-t-il. Vous le regardez, incrédule. « La montre que je tiens est magique… d’apparence, d’une élégante sobriété, elle recèle en fait un mécanisme qui s’actionne chaque jour à la même heure. Le cadran de la montre s’ouvre alors à 240°, laissant apparaître un second cadran entièrement personnalisable avec l’œuvre de votre choix, peinte à la main. Comme un lever ou un coucher de soleil, il faut environ une heure à la montre pour dévoiler le secret qu’elle renferme. »

Cette fois-ci, vous souriez franchement. Vous avez trouvé votre cadeau.

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