Thonon les bains, ville d’art et de culture

Et comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on compte parmi ses illustres natifs l’architecte Maurice Novarina ? Après avoir obtenu son diplôme en 1933, Maurice Novarina exerce pendant près de 70 ans ce qui explique en partie le nombre impressionnant de ses réalisations. Aux premières heures de sa carrière, il intervient surtout dans la construction d’édifices religieux. Nous lui devons notamment l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateau d'Assy, parfait exemple, comme s’il en fallait, que l’architecture et l’art sont intimement liés. En effet, ce bâtiment, considéré comme l’un des emblèmes du renouveau de l’art sacré intègre dans sa structure de nombreuses références à l’art moderne ce qui ne manqua pas de déplaire (pour ne pas dire choquer) aux membres du clergé de l’époque, se retrouvant à mille lieux de leur zone de confort.

Puis, les années défilent et les cicatrises de la guerre, béantes et omniprésentes, conduisent à la création en 1944 d’un Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. L’urgence est à la convalescence de la France. Des architectes sont nommés spécialement à cet effet dans tous les départements de l’Hexagone. Novarina sera l’un d’eux. La culture prend alors une place prépondérante dans sa carrière. Il s’agit de remettre debout des écoles, des cinémas ou encore des salles communales. Un retour à la vie, un retour à la découverte et à la curiosité, une nouvelle ouverture sur le monde et ses merveilles. Dans les années 1960, les équipements culturels et sportifs connaissent alors un véritable essor et l’engouement est réel. Ceci est dû en grande partie à l’influence d’André Malraux, qui formulera d’ailleurs ces vœux à son arrivée au ministère : « le ministère chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à son patrimoine culturel, de favoriser la création des œuvres, de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ».

Maurice Novarina est nommé architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux et c’est en 1961 qu’il donne naissance au fameux théâtre de Thonon-les-bains : partie intégrante de la Maison des Arts du Léman. Cette majestueuse et imposante maison de verre, véritable ode à la lumière naturelle se dresse en belvédère surplombant les rives du lac. L’enveloppe constitué de multiples panneaux vitrés n’a pour but que de permettre aux visiteurs de ne rien louper du paysage sublime dans lequel le théâtre est implanté. Il s’agit d’une ironie du lieu : en effet, de cette manière, Novarina s’assure astucieusement que le spectacle se joue aussi bien au-dedans qu’au-dehors. Les larges volumes et les surprenants jeux de hauteur sous plafond ne laissent personne indifférent. Et si les abords du bâtiment sont particulièrement travaillés (on pense notamment à ce joli parc arboré et fleuri entre lac et montagnes qui accueille solennellement l’édifice), l’intérieur est volontairement laissé brut. Du béton, du métal et du verre qui se fondent et se confondent en une étrange trinité primitive et originelle. Surmontant les quatre entrées principales de la façade, sept lettres capitales et majestueuses forment le mot THEATRE dans un joli gris anthracite. Le jour, les panneaux de verres reflètent fidèlement le paysage qui les entoure. Tel un miroir, ils renvoient tour à tour selon le temps qu’il fait, l’image du ciel ou des nuages. Puis progressivement la nuit, lorsque le bâtiment s’illumine, on en découvre subtilement l’intérieur à mesure que le soleil se couche et que les lumières s’allument.

Ici, tous les arts sont représentés : la danse et la musique bien sûr. Mais aussi l’humour, l’opéra, le jazz, la comédie… C’est en tout pas moins d’une centaine de représentations par an qui sont données dans cette salle. Le caractère très éclectique des différentes œuvres proposées permet à toutes et à tous de trouver son bonheur dans la programmation riche et variée du théâtre. Que l’on soit adepte de chefs-d ’œuvres intemporels tels que l’immense Phèdre de Racine, que l’on préfère se laisser porter par les musiques du monde d’Adnan Joubran ou que l’on veuille être envoûté par la voix délicieusement jazzy de Lizz Wright… tout est possible ! On viendra aussi écouter les grandes Plaidoiries de Richard Berry ou rire des Élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce en la personne de l’irrésistible Edouard Baer. On prendra plaisir à initier nos charmantes têtes blondes à l’art et à la culture à travers le très complet « Festival des petits malins ». Cette initiative formidable organisée par la Maison des Arts du Léman a pour objectif de proposer dix jours intenses de représentations, d’éveil musical et d’ateliers divers afin de solliciter toujours un peu plus la curiosité des enfants et de susciter leur intérêt pour le monde du spectacle et des artistes.

Les artistes justement… Sans acteurs, sans chanteurs, sans metteurs en scène, techniciens ou chorégraphes, pas de spectacle ! Ils sont l’indiscutable clef de voûte de cet écosystème culturel, la pièce essentielle à tout patrimoine artistique. Le théâtre en a bien conscience et c’est pourquoi il s’applique chaque jour à créer des liens forts et sincères avec chacun d’eux, des liens qui vont bien au-delà d’une simple représentation. En effet, la structure accueille régulièrement en résidence des artistes associés, les accompagne dans les différentes étapes de leur travail ou les soutient dans la co-production de leurs œuvres. Afin d’être toujours plus efficaces et de pouvoir ainsi ouvrir la culture au plus grand nombre, la Maison des Arts du Léman a également décidé de créer un club mécénat auquel participent déjà de nombreuses entreprises locales. Ce club s’est également ouvert aux particuliers sensibles et engagés qui désireraient devenir des acteurs privilégiés de cette belle entreprise.

Grace à ce magnifique théâtre Maurice Novarina mais surtout à ses nombreuses initiatives, Thonon-les-Bains se positionne en authentique pôle culturel de la destination Chablais. Un lieu où il fait bon vivre et où l’art et la diversité sont mis à l’honneur au quotidien et considérés comme l’un des grands axes majeurs du développement de la ville.